lundi 27 mai 2013

Lectures-coups de cœur de ces derniers mois !




Absente sur mon blog ces derniers mois, je n'ai pas pour autant réduit mes lectures (mais investi dans de nouvelles étagères, si... !). Il y a donc de nombreux livres que j'aimerais vous faire partager, mais que je n'ai pas lu assez récemment pour vous en faire une chronique suffisamment détaillée. En effet, comme vous l'aurez sûrement remarqué, je me suis proposé dès le départ de ne publier que des articles relativement développés. 
Je trouvais tellement frustrant de devoir faire l'impasse sur ces livres, que j'ai décidé de les évoquer au travers d'un article "Lectures-coups de cœur de ces derniers mois". C'est parti ! 

Le Grand Prix (si je devais en décerner un) reviendrait sans conteste à Carlos Ruiz Zafón dont j'ai lu une partie de la bibliographie au cours de l'année passée. 
D'abord les premier et deuxième romans du cycle du Cimetière des Livres Oubliés : L'Ombre du Vent (2004) et Le Jeu de l'ange (2009). Puits de magnifiques citations, notamment sur l'amour, la littérature, la vie, et les liens qui les unissent, ces romans ne sont que pure poésie. A noter avec quelle virtuosité Carlos Ruiz Zafón nous entraîne dans une Barcelone tour à tour réaliste et fantastique (à l'image des romans), faisant de la ville un personnage à part entière. Ces deux romans m'ont littéralement transportée, de ces livres qui vous envoûtent à un point tel que vous ne pourrez assurément jamais les oublier. Je prévois de lire bientôt le troisième volet, Le Prisonnier du Ciel (2012), qui fera probablement l'objet d'une chronique sur le blog. 
Les lecteurs familiers de Zafón et de son style ne manqueront pas de découvrir également, hors trilogie des Livres oubliés, Le Prince de la Brume (2011), premier roman publié par l'auteur en 1992 mais traduit seulement en 2011 en français, avec déjà cette subtile alternance de policier, romantique et fantastique, que l'on retrouve aussi dans Marina (2011), plus sombre, mais tout aussi magnifique. S'il est un auteur qui nous fait aimer le monde des livres, c'est bien Carlos Ruiz Zafón.

Une suite réussie et à la hauteur du premier volet devenu un véritable best-seller (Le Mec de la tombe d'à côté, chronique par ici) : c'est ainsi que je qualifierais Le Caveau de famille (2011), de la suédoise Katarina Mazetti. Désirée, la bibliothécaire citadine, et Benny, l'agriculteur, s'étaient donné trois essais pour avoir un enfant. Si ça ne marchait pas, c'était terminé pour toujours. Sinon... et bien sinon, ça donne cette suite tout aussi drôle et touchante que le premier opus, bébé à gérer en prime ! Leurs différences sont toujours aussi inévitables que leurs sentiments inexplicables... Mais ils vont tenter de dépasser ce qui les sépare pour se consacrer à ce qui désormais les unit. 

Si vous aimez l'humour décalé, alors vous apprécierez les aventures du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire (2011) de Jonas Jonasson. Décidément, la littérature suédoise est à l'honneur ici ! Tout commence lorsqu'Allan Carlson s'enfuit de sa maison de retraite le jour de son centième anniversaire. S'engage alors une folle épopée ponctuée de flashbacks qui retracent la vie hors du commun (et encore, le mot est faible...) de ce héros culotté, de sa naissance jusqu'au temps de la narration. Humour loufoque, quiproquos à la pelle et situations cocasses, péripéties à la limite du vraisemblable, galerie de personnages farfelus, fantaisies historiques inattendues : tout en revisitant à sa manière des moments-clés de l'Histoire du vingtième siècle, ce road-movie déjanté vous fera passer un excellent moment !

En parlant de road-movie déjanté, avez-vous lu La Vie très privée de Mr Sim (2011) de Jonathan Coe ? Maxwell Sim est un loser de quarante-huit ans, délaissé par sa femme et par sa fille, "voué à l'échec dès sa naissance" (nous dit la quatrième de couverture), qui se voit proposer une mission inattendue, en tant que représentant de brosses à dents high-tech. Guidé par un GPS dont il va immédiatement tomber amoureux, son voyage à travers l'Angleterre et les paysages de son enfance va être l'occasion pour lui de redécouvrir son passé, entre malentendus, regrets, ambiguïtés et occasions manquées. 
Récit original où l'humour (parfois noir, mais devrais-je simplement dire "britannique" ?) côtoie la reconstitution progressive, façon puzzle, d'un passé aux nombreux épisodes inexpliqués, ce roman surprenant nous livre le portrait touchant d'un homme catalogué perdant.

Je terminerai cette chronique tout en légèreté, avec une comédie qui se distingue vraiment par son originalité : Sors de ce corps, William ! (2010) de David Safier, romancier allemand à succès, également connu pour son Maudit Karma (2008). En proie à un chagrin d'amour et prête à tout pour reconquérir l'homme de sa vie, Rosa s'en remet au magicien Prospero, soi-disant spécialiste des voyages dans le temps. Elle se réveille alors au seizième siècle, dans la peau de William Shakespeare ! Et le magicien est formel : elle ne pourra retrouver son époque qu'une fois qu'elle aura découvert ce qu'est le véritable amour... L'auteur s'est amusé à alterner les narrateurs, menant son récit tantôt du point de vue d'une jeune femme du vingt-et-unième siècle, tantôt de celui du dramaturge anglais : jubilatoire ! De situations burlesques en quiproquos savoureux, sur fond de choc des cultures et des époques, un roman décidément très divertissant !


vendredi 24 mai 2013

Demain j'arrête ! - Gilles Legardinier

(Fleuve Noir, Novembre 2011, 350 p. et Pocket, Avril 2013, 404 p.)

Envie de ... résumer :

Au début, c'est à cause de son nom rigolo que Julie s'est intéressée à son nouveau voisin. Mais très vite, il y a eu tout le reste : son charme, son regard, et tout ce qu'il semble cacher...
Parce qu'elle veut tout savoir de Ric, Julie va prendre des risques de plus en plus délirants ...

Envie de ... donner mon avis : 

Un roman au top des meilleures ventes en librairies, une couverture et un titre pour le moins énigmatiques... De quoi attiser ma curiosité ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que ma curiosité est carrément satisfaite. Cette comédie est un vrai bonheur. Ce livre fait partie des plus drôles que j'ai lu ces dernières années, aux côtés des romans d'Agnès Abécassis bien sûr (toujours au top !), qui font d'ailleurs l'objet de deux chroniques sur mon blog : 
Le Théorème de Cupidon (article pêle-mêle) et Soirée Sushi (oui oui je fais ma propre promo ! Mais l'essentiel c'est de l'assumer, non ?!).

A la base de ce roman à l'humour désopilant, je vous présente Julie. Julie Tournelle, vingt-huit ans, travaille dans la banque (et déteste ça) et vient de se faire plaquer par Didier. Autant dire qu'elle se cherche, tant sur le plan professionnel qu'affectif. Elle se cherche, et elle s'ennuie aussi, peut-être un peu... C'est en partie ce qui explique ce besoin irrépressible d'épier son mystérieux nouveau voisin dont le seul nom "enflamme votre imagination" ! Qui est donc Ricardo Patatras ? Que cache-t-il ? A la fois charmée et intriguée par Ric, Julie va chambouler son quotidien et prendre les risques les plus fous pour tenter de percer le mystère qu'il recèle (si tant est qu'il y ait quelque chose à percer... mais je n'en dirai pas plus).

L'origine du récit de Julie, c'est cette question posée par un inconnu au détour d'une soirée : "Dis moi, Julie, c'est quoi le truc le plus idiot que tu aies fait dans ta vie ?" C'est pour tenter d'y répondre avec un maximum d'honnêteté que Julie décide de nous raconter cette histoire tour à tour drôle et émouvante, où les passages comiques succèdent aux moments plus "profonds". C'est d'ailleurs un aspect qui m'a tout particulièrement plu dans ce roman : au-delà des sourires, parfois même des rires, qu'il suscite, il n'est cependant pas dénué d'un vrai "fond". L'écriture est accessible, sans prétention, et extrêmement vivante. Tout le mérite de l'auteur, c'est de nous faire tour à tour sourire, s'émouvoir et réfléchir. Le choix des mots se distingue par sa simplicité et son authenticité. Ils n'en sont que plus "vrais" et touchants : 


"Je ne sais pas grand-chose mais j'ai au moins compris un truc sur cette terre. Le vrai miracle, ce n'est pas la vie. Elle est partout, grouillante. Le vrai miracle, Julie, c'est l'amour".
(de Sophie à Julie, une citation qui me plaît tout particulièrement)

Habituée aux romans "féminins" dans lesquelles le portrait et les tribulations de l'héroïne, souvent narratrice, sont brossés par des romancières, ce qui m'a vraiment surpris pendant que je lisais le roman, c'est qu'il ait été écrit par un homme (qui plus est par un homme qui s'était jusqu'ici illustré dans le registre du thriller) ! En voilà un pari osé ! Mais le résultat est excellent. L'auteur sonde et manie si bien les rouages de la psychologie féminine, sans tomber dans la caricature (allez, faut bien le reconnaître), que l'on en viendrait presque à oublier que c'est un homme, un vrai, qui se cache derrière la plume. 
Car il faut bien l'admettre, quelle femme n'a jamais élaboré de véritables plans d'action, aussi tordus ou extravagants soient-ils, pour tenter de séduire un homme, de l'approcher, de le connaître ? 
Quelle vraie nana digne de ce nom ne s'est jamais "fait de films" ou n'a jamais spéculé, sur la vie de ses voisins, collègues, parents, proches amis ? Pour ma part, j'avoue me reconnaître très largement dans cette jeune femme qui imagine facilement les scénarios les plus improbables pour expliquer les comportements, réactions, actes ou paroles des gens. Et c'est justement parce que cette propension à décoder, à analyser, nous est familière, qu'il est franchement drôle d'en devenir le spectateur, l'observateur extérieur, et d'en rire le temps d'un livre. Julie "psychote", et c'est ce qui la rend attachante. Son énergie, sa créativité, ses déboires (!), ses espoirs : autant d'éléments qui vous font penser "c'est un peu moi ça" ! Je me suis moi-même demandé quel était le truc le plus fou que j'avais fait dans ma vie (tout du moins jusqu'à aujourd'hui... !).
Je me dis souvent que personne ne peut affirmer avec certitude qu'il sait de quoi sera fait demain. Un élément qui nous semblait pourtant à première vue insignifiant, un mot, un choix, une direction, etc. peuvent tout changer : "On croit connaître son environnement, pourtant parfois il suffit qu'un détail change et vous ne vous doutez pas que c'est toute votre vie qui va y passer. Et ça, on ne le voit jamais venir". Julie semble d'accord avec moi ! :) 

Pour finir, quelques mots sur les chats, qui reviennent au fil du livre en leitmotiv... La comparaison entre l'approche amoureuse des félins et celle des humains est extrêmement amusante et bien trouvée. Si vous n'avez pas lu le roman, je viens de vous livrer un élément qui rend sa couverture un peu moins insolite. Je ne dirai donc rien au sujet du bonnet péruvien... Bonne lecture !

Envie ... d'un extrait :

"C'est la première fois que je rencontre ce garçon avec un nom rigolo, et je suis telle la souris coincée par la tapette. Maintenant, je comprends les rois, les chevaliers et les saintes qui, dans ce genre de situation, ont juré que s'ils s'en sortaient, ils feraient construire une basilique. Le problème, c'est qu'avec mon compte d'épargne, j'ai seulement les moyens de faire bâtir une niche ou un grand terrier. Mais je promets de le faire".

"Voici la preuve que dans cette vie tout est possible. Gardons-nous des jugements définitifs. Ne disons jamais "jamais". Aimons-nous les uns les autres, mais méfions-nous quand même des chats. Je vais moi aussi devenir un puits d'aphorismes à deux balles, c'est de tradition dans la famille".

mardi 3 avril 2012

Jusqu'à ce que la mort nous sépare - Lisa Gardner

(L'Archipel, 1998, 304 p. et Archipoche, 2012, 370 p.)

Envie de ... résumer : 

(titre original : The perfect husband)

Tess croyait avoir trouvé le mari idéal en la personne de Jim Beckett, un policier jouissant d'une excellente réputation dans la petite ville de Williamstown, Massachusetts.
Mais, après plusieurs années de mariage, Tess découvre le monstre qu'est en fait son époux. A-t-elle d'autre choix que de le dénoncer ?
En attendant son jugement, Jim est placé dans un quartier de haute sécurité, dont il parvient à s'évader...  Il n'a dès lors qu'une idée, fixe : retrouver celle qui l'a trahi. Et lui rappeler qu'ils sont unis pour la vie, que seule la mort pourra jamais les séparer ...

Envie de ... donner mon avis :

Dans un article publié en septembre 2009 à l'occasion de la sortie en France de "Sauver sa peau", le site lepoint.fr qualifiait Lisa Gardner de "nouvelle Mary Higgins Clark". Pour ma part, bien que le rapprochement soit flatteur (je suis moi-même une inconditionnelle de Mary Higgins Clark !), je préfère appréhender un auteur dans sa singularité, dans ce qu'il a de propre et d'original, sans dresser de parallèle avec un autre écrivain à succès dans le même genre littéraire. Car en effet, avec "Jusqu'à ce que la mort nous sépare", son premier roman paru en France en 1998, Lisa Gardner a créé son propre style, et est dès lors venue s'inscrire durablement au rang des virtuoses du suspense !

Vous faire partager un polar me confronte toujours à l'épineux problème d'en dire suffisamment pour vous allécher, sans vous révéler les moments-clés de l'intrigue !
Comme à mon habitude, c'est le résumé de la quatrième de couverture que j'ai reproduit en tête de cet article. Cependant, il me semble ici opportun de rajouter quelques éléments (qui ne dénatureront en rien votre propre découverte du livre).
Après un bref prologue, l'histoire débute en Arizona, chez l'ex-mercenaire Jordan Terrance Dillon (alias "J.T"), retranché dans une riche villa avec piscine, perdu dans un quotidien morose où cynisme et débauche n'ont d'égal que les quantités de bière et de tequila avec lesquelles il éponge son désarroi. Cet exil va être troublé par l'arrivée de Tess Williams, qui vient trouver J.T. sur les conseils d'un ami commun, afin qu'il la forme et l'entraîne, dans le but d'affronter son ex-mari récemment évadé de prison après avoir assassiné sauvagement deux gardiens. Parce qu'elle a joué un rôle essentiel dans l'arrestation de son mari, violeur et tueur en série, Tess sait qu'il la poursuit et qu'elle est sa proie ultime. Après avoir confié sa fille Samantha au lieutenant de police Lance Difford, et parcouru des milliers de kilomètres, la jeune femme, affaiblie et rachitique, va tenter de convaincre J.T. qu'il est le seul à même de lui apporter l'aide dont elle a besoin.

J'aimerais vous parler de ce roman à travers deux thèmes principaux :

Des héros écorchés vifs ...

Hantée par la monstruosité de son mari et rongée par la culpabilité, Tess semble bien avoir trouvé son double masculin en la personne de J.T. En effet, l'ancien marine et ex mercenaire semble lui aussi traîner un lourd passé. Cependant, semblables aux pièces d'un puzzle, les éléments de ce passé ne nous seront que progressivement révélés. Ils feront également intervenir Marion, membre du FBI et sœur de J.T, dont la froideur et le professionnalisme n'ont d'égal que la haine qu'elle semble vouer à son frère. Pourquoi un tel ressentiment, une telle méfiance envers J.T ? Et pourquoi ce dernier refuse-t-il de se rendre au chevet de son père mourant ? J.T et Marion sont-ils réellement si différents qu'ils veulent bien s'en persuader ?

Étouffant et oppressant, le passé de Tess était déjà un poids bien avant sa rencontre avec Jim Beckett, son futur mari. Battue par son père, terrorisée par son mari et soumise à lui, Tess fait partie de ces personnages maudits, malmenés par la vie, sans cesse rattrapés par le sang, la souffrance et le tourment. Tess est convaincue de l'impuissance de la police à la protéger d'un meurtrier qui saura toujours tout anticiper. A fleur de peau, fermement décidée à affronter seule son mari, cette jeune femme fragile et désemparée va se surpasser, mue par l'amour qu'elle porte à sa fille et par son désir de la préserver. Le personnage de Tess est infiniment touchant, tout autant par sa détermination que par sa fragilité et sa vulnérabilité.

Étonnamment, je ferai le même constat au sujet de J.T : d'apparence froide et "brute de décoffrage", arrogant et souvent méprisant, son personnage renferme cependant de profondes blessures et une indéniable vulnérabilité, que ses sarcasmes et son ironie ne servent qu'à masquer... 

La traque sans relâche d'un impitoyable psychopathe ...

En la personne de Jim Beckett, la police est confrontée à un monstrueux tueur en série, dont la sauvagerie et la cruauté n'ont (malheureusement) d'égales que l'intelligence et l'ingéniosité. Lisa Gardner dresse un portrait extrêmement détaillé et travaillé du meurtrier. Pour les professionnels qui l'ont traqué inlassablement en vue de son arrestation, et qui le traquent aujourd'hui à nouveau depuis son évasion, Jim Beckett est tout autant un modèle de sadisme et de barbarie, que d'adresse et d'habilité. Parce qu'il a "fait partie de la maison", Beckett connaît les modes opératoires de la police, et peut dès lors facilement anticiper. Après son évasion, il se joue de la police, multiplie les ruses et les déguisements, et n'a plus qu'une seule idée en tête : assassiner Tess, à qui il n'a jamais pardonné de l'avoir dénoncé...

Impassible, froid, au physique presque inhumain, cet assassin qui a fait de la "discipline" son maître-mot transformera à tout jamais la vie et les convictions des enquêteurs, policiers ou agents fédéraux, qui donneront tout de leur personne dans cette redoutable chasse à l'homme ...

A chaque instant, le suspense est habilement manié, les réponses subtilement apportées et les rebondissements justement exploités. Rejoignant une critique qui faisait état d'un thriller digne du "Silence des agneaux" de Thomas Harris, je ne peux que vous inciter à lire ce livre, qui a le mérite d'approfondir vraiment le profil des personnages, et pas seulement celui du meurtrier. En bref, un très bon polar, qui sait s'emparer de notre attention pour ne la relâcher qu'une fois la dernière page réellement tournée ...

Envie ... d'un extrait :

"Vous n'avez donc pas compris ? C'est un flic. Il connaît leur façon d'opérer. Il pense comme eux. Tant que je resterai avec eux, je risquerai ma peau, parce que les flics observent certaines règles, au contraire de Jim. Il saura toujours anticiper leurs actions et c'est moi qui me retrouverai devant la batte de base-ball. Je ne veux pas revivre cette situation. Je refuse de rester-là comme une souris en attendant que le chat me saute dessus".

"Je répète, c'est un psychopathe. Autrement dit, il sait admirablement compartimenter les choses. D'une part, il connaît les règles et les normes de la société. Il sait s'y conformer, se faire apprécier. Il est affable, extraverti, sûr de lui. D'autre part, il se considère au-dessus de tout le monde. Les sentiments de culpabilité, les remords,le sens du devoir lui sont inconnus. Il ment sans peine, il est obsédé par l'apparence physique. Son appétit sexuel est grand et, malgré son mépris pour les femmes, il ne peut s'en passer".


mardi 20 mars 2012

Pêle-Mêle de mes dernières lectures

J'avoue avoir très peu alimenté le blog ces derniers mois. Pour autant, je n'ai pas interrompu mes lectures ! Et il y en a beaucoup que j'aurais aimé vous faire connaître et partager !

Alors je vous propose d'en évoquer quelques unes par le biais d'un article "pêle-mêle", au fil duquel j'aborderai quelques romans lus dernièrement. Je pourrai ainsi consacrer mes prochains articles à mes lectures récentes, tout en ayant quand même eu l'opportunité de vous parler de lectures plus anciennes (de quelques semaines seulement bien sûr...), qu'il me tenait tout de même à cœur de faire figurer dans ces pages.


La Vie d'une autre - Frédérique Deghelt (Actes Sud, 2007, 341 p. et Le Livre de Poche, 2010, 251 p.)

Je connaissais Frédérique Deghelt pour avoir lu "La Grand-mère de Jade", un moment de lecture très émouvant. C'est une version rééditée de "La Vie d'une autre", à l'occasion de son adaptation au cinéma avec Juliette Binoche et Mathieu Kassovitz, que je me suis procuré en début d'année.
En une nuit, Marie, jeune femme indépendante de vingt-cinq ans, se retrouve douze ans plus tard, mariée, trois enfants, et plus aucun souvenir de ces années écoulées. Au contact de ses proches qui ne se doutent pas du mal inexpliqué qui est désormais le sien, en proie à cette vie qui lui échappe, Marie part en quête de réponses à ses questions, à la fois actrice de sa propre vie, et spectatrice de "la vie d'une autre"...


Mon avis ? Un très beau roman, prenant et bien écrit. Une histoire originale, construite autour de thèmes tels que la fuite du temps, les choix de la vie (les bons, les mauvais, ceux que l'on a fait, mais aussi - et surtout - ceux que l'on aurait dû faire...), la connaissance de soi, les souvenirs que l'on se construit (et ceux que l'on aimerait avoir déjà détruit...), l'amour (et le désamour), la passion, les idéaux, les doutes... Ce qui rend le roman captivant, c'est aussi son côté "enquête". De plus, l'héroïne est aussi la narratrice, ce qui permet au lecteur de réellement s'identifier à sa quête de compréhension et à son cheminement vers la sérénité. Pour ma part, je n'ai pas eu l'occasion de voir le film inspiré du livre. J'apprécie beaucoup Juliette Binoche, je prévois donc de le voir tôt ou tard. Mais si de votre côté vous l'avez déjà vu, faites moi part de vos impressions : fidèle au roman ? Dans la négative, bon film tout de même ? Affaire à suivre pour moi !

Le Théorème de Cupidon - Agnès Abécassis (Calmann-Lévy, 2011, 240 p. et Le Livre de Poche, 2012, 288 p.)

Il y avait déjà quelque temps que je projetais de lire le dernier roman d'Agnès Abécassis. J'attends toujours ses livres avec impatience et ils ne m'ont jamais déçue ! Cette fois encore, la griffe Abécassis a tenu ses promesses ! Surprise et humour sont au rendez-vous dans cette histoire qui est celle de deux vies parallèles : Adélaïde et Philéas travaillent tous les deux dans le cinéma mais ne se connaissent pas ("enfin, c'est ce qu'ils croient...", nous dit la quatrième de couverture). Pétulante jeune femme drôle, extravertie, et déçue par les relations amoureuses, Adélaïde n'a a priori rien à voir avec Stanislas, peu sûr de lui, gauche et toujours pressé de conclure. Qui plus est, "deux lignes parallèles ne se croisent jamais... Sauf si elles sont faites l'une pour l'autre", énonce le Théorème de Cupidon !

Alors, quand ? Comment ? Où ? Pourquoi ? C'est ce que ce roman amusant, captivant et follement divertissant vous propose de découvrir ! Et il vous avance de solides arguments : deux narrateurs (donc deux regards sur les événements), des situations insolites et surprenantes, des dialogues savoureux, un soupçon d'émotions et, comme toujours chez Agnès, des personnages vrais, "entiers", et donc immédiatement attachants. Je ne peux que profiter de l'occasion pour insister à nouveau auprès de vous, "vous" les filles évidemment (quoique...), sur la NÉCESSITÉ IMPÉRIEUSE ET ABSOLUE (sans exagération aucune) de lire Agnès Abécassis ! J'ai consacré l'année dernière une chronique à "Soirée Sushi", mais il ne s'agit là que d'une de ses perles de comédie ! "Toubib or not toubib", "Chouette, une ride !" (pour ne citer qu'eux) : le divertissement et l'évasion sont à coup sûr ga-ran-tis !


Piège Nuptial - Douglas Kennedy (Belfond, 2008 (réédition), 265 p. et Pocket, 2009, 250 p. - Titre original : The dead heart)


"Piège nuptial" est le premier roman de Douglas Kennedy publié pour la première fois en français en 1998 sous le titre "Cul-de-sac". J'avoue, je n'avais jamais lu Douglas Kennedy avant, même si suite à l'adaptation au cinéma de "L'Homme qui voulait vivre sa vie" avec Romain Duris en 2010, j'étais pourtant bien résolue à lire le livre (il n'est jamais trop tard).

Piège Nuptial, c'est l'histoire de Nick Hawthorne, modeste pigiste américain blasé par la vie qui, sur un coup de tête, fasciné par une carte routière de l'Australie découverte dans une bibliothèque de Boston, plaque tout du jour au lendemain et s'envole pour Darwin. Vite rebuté par cette ville, Nick ne tarde pas à s'aventurer sur la route du bush australien. Après avoir goûté, non sans mal, à la solitude des grands espaces et percuté un kangourou en pleine nuit, Nick poursuit sa route en compagnie d'Angie, une auto-stoppeuse directe, graveleuse et exubérante, avec laquelle il vit une brève histoire faite de débauche et d'excès en tous genres. Trois jours plus tard, il se réveille drogué et ... marié. Sans aucun souvenir des derniers événements, reclus à Wollanup, un village d'une cinquantaine d'habitants, à plus de quatre-cent kilomètres de désert de la ville la plus proche... Loin de toute trace de civilisation, marié à une nymphomane rustre doublée d'une parfaite alcoolique, coincé au beau milieu d'une communauté de primitifs illuminés (et imbibés de bière) qui semblent prêts à tout pour préserver leur communauté, Nick est irrémédiablement pris au piège...

Vous l'aurez sans doute compris, ce polar est conçu à la manière d'un huis clos. Noir, oppressant. Et tout simplement génial. Roman noir original, Piège nuptial entraîne le lecteur dans une lutte acharnée pour l'évasion et la survie dans ce qui semble bien tout proche de l'enfer sur terre. La violence latente, la vie culturelle inexistante, la chaleur suffocante, l'atmosphère pesante, la puanteur persistante : tous les ingrédients sont réunis pour confiner le lecteur dans un univers résolument malsain, un "nulle part" où le monde semble avoir réellement touché à sa fin. Bref, un roman conduit à un rythme haletant et soutenu, au service d'un solide suspense qui vous défie de poser le livre avant la fin ! Une véritable entreprise de polarisation...

Mais Comment font les femmes ? - Allison Pearson (Plon, 2002, 420 p. et J'ai Lu, 2004 - Titre original : I don't know how she does it)

Décidément, le monde du septième art trouve souvent son inspiration dans l'univers des lettres ces derniers temps ! Tant mieux pour moi en l'occurrence : je me suis plongée dans la lecture du roman d'Allison Pearson après avoir vu son adaptation cinématographique avec Sarah Jessica Parker (un film sympa soit-dit en passant, même si essentiellement destiné à un public féminin, il faut bien l'admettre !). A ma grande surprise, le film a pris quelques libertés notables par rapport au livre. Mais qu'importe ! Je suis ici pour vous parler du livre.

Kate Reddy, brillante gestionnaire de portefeuilles à la City de Londres, se démène quotidiennement pour gérer et concilier tant bien que mal les deux pans essentiels de son existence : d'un côté sa vie professionnelle, une lutte permanente pour exister dans le monde de la finance, un univers masculin redoutable et impitoyable, un travail et des responsabilités importantes qui la mobilisent énormément et la poussent à voyager régulièrement ; de l'autre, sa vie familiale, avec son mari Richard, qui lui reproche fréquemment ses absences, et leurs deux enfants, Ben, un an, et Emily, cinq ans.


Mon avis ? Découpé en chapitres courts, souvent eux-mêmes cadencés au rythme de la journée, le roman est très agréable à lire. Ce qui m'a vraiment plu, c'est que cette histoire va au-delà du portrait classique (et en vogue) de la femme polyvalente, qui fait face sur tous les fronts. A travers les questionnements et les doutes de l'héroïne, l'auteur aborde des sujets plus profonds : la place de la femme dans la société, d'hier à aujourd'hui (l'épouse, la maman, l'amie, la collègue, la voisine, etc.), les choix de la vie (eh oui, ici aussi !), le temps qui nous glisse entre les doigts (vingt-quatre heures dans une journée, c'est tout ?), le jugement des autres, la culpabilité, l'incertitude, le souci de bien faire ... Mais toujours avec humour ! J'ai vraiment a-do-ré les listes dressées par Kate (en fin de chapitre), les mails, les situations cocasses (par exemple l'épisode du supermarché !), etc. Bref, un bon moment de lecture ! Vous ne direz plus jamais "j'ai trop de choses à faire" de la même manière ... !

dimanche 18 mars 2012

Les Mésaventures de Minty Malone - Isabel Wolff

(Pocket, 2002 et 2008, 528 p.)

Envie de ... résumer : 

(titre original : The Making of Minty Malone)

Vous êtes devant l'autel de l'église. Le prêtre prononce les phrases rituelles. Vous jetez un coup d’œil tendre et complice à votre bien-aimé. Il vous sourit. Vous lancez un "oui" énamouré. Ça y est, vous êtes presque mariée. Maintenant c'est à lui. Il vous adresse un regard plein de compassion. Vos parents, vos collègues, tous vos amis sont venus célébrer l'événement. Vous êtes aux anges. Encore une seconde et vous êtes unis pour le meilleur et pour le pire. Non ! Un "non", ferme et définitif, résonne encore dans l'église. Vous n'êtes plus mariée.
Tel est votre destin : vous êtes et resterez Miss Malone. Sur un point, cependant, rien ne sera plus comme avant : à votre tour, vous allez apprendre à dire "non"...

Envie de ... donner mon avis :

Contre toute attente (je plaide non coupable : je cours sans cesse après le temps, et voir ces pages en stand-by est extrêmement frustrant !), mon blog reprend vie aujourd'hui avec un authentique " livre de filles " que j'ai lu il y a quelques mois déjà, que j'ai beaucoup aimé, et que je tenais donc à vous faire partager. Je connaissais déjà le style d'Isabel Wolff pour avoir lu " Les Tribulations de Tiffany Trott " il y a quelques années. J'avais adoré sa capacité à conjuguer habilement l'humour avec un véritable travail de recherche dans la construction des profils de personnages.

Dans tous les pans de sa vie, affective, familiale et professionnelle, Minty Malone est une jeune femme charmante et infiniment arrangeante, gentille, conciliante. Minty cède toujours à tout et à tout le monde :
... à Dominic, qu'elle s'apprête à épouser, un homme d'apparence sympathique mais pour le moins despotique, qui semble gouverner l'entier comportement de sa future épouse, de ses tenues vestimentaires à son langage, en passant par ses loisirs...,
... à ses collègues, pour leur mâcher le boulot (un air de déjà-vu pour vous aussi ??)
... à sa cousine Amber, aussi attachante qu'autoritaire et envahissante...

Autant de manifestations de cette indulgence de tous les instants, de cette bienveillance extrême, qui lui valent certes sa réputation de jeune femme avenante, mais aussi un lot considérable de déconvenues cuisantes.

Car il faut bien l'admettre : de (trop) gentille à "bonne poire" (pour reprendre son expression), il n'y a qu'un pas... Que Minty a TRÈS LARGEMENT franchi. Trop gentille par crainte de ne pas savoir gérer les conflits. Trop aimable, trop affable pour éviter d'aller à l'affrontement. Trop terrifiée à l'idée de blesser. Trop serviable par peur d'être rejetée...

Mais petit à petit, les choses vont changer. Plaquée par celui qu'elle croyait être l'homme de sa vie devant l'autel de l'église le jour de son mariage, Minty va avoir un déclic. Finie la gentillesse comme " police d'assurance " ! Galvanisée par sa prise de conscience et désormais désireuse de s'affirmer pour de bon, Minty va reprendre sa vie en mains. Aidée de l'original -et pour le moins insolite- " Séminaire des Anti-Gentils ", humiliée et hantée par l'échec de son mariage, Minty va chercher à comprendre l'attitude du goujat qu'il l'a laissée en plan devant des centaines d'invités réunis pour l'occasion.
A travers cette quête, elle va en découvrir davantage sur elle-même et apprendre à aborder différemment ses rapports aux autres. Parviendra-t-elle à s'affirmer, à refuser, à défendre ses points de vue ?

Pour ma part, j'ai été d'autant plus touchée par cette histoire, que je suis moi-même bien souvent trop accommodante, pour les mêmes raisons que Minty d'ailleurs ! La plupart du temps, si je redoute les conflits, c'est tout autant par peur de ne pas savoir les gérer, que par peur de déplaire ...
Par ailleurs, ce qui m'a tout particulièrement plu, c'est le fait d' avoir su exploiter brillamment le registre humoristique pour en fin de compte aborder un sujet somme toute profond : comment s'affirmer réellement, exprimer ses vrais désirs, tout en restant agréable, courtois et diplomate ? Au fond, comment " ménager la chèvre et le choux " ?!

Avec une galerie de personnages originaux et amusants, aux traits de caractère marqués et souvent désopilants, " Les Mésaventures de Minty Malone " saura satisfaire toutes les lectrices (et les lecteurs aussi après tout hein !) à la recherche d'un roman facile à lire, drôle et résolument original. Alors sans plus attendre, dites " oui " à l'apprentissage du " non " ! Et si vous avez aimé ce roman, découvrez dès que possible " Les Tribulations de Tiffany Trott " !

Envie ... d'un extrait :

" Il n'y a rien que je déteste plus que faire des histoires. Je suis très " gentille ". C'est ce que tout le monde dit de moi - que je suis terriblement " gentille ". On a toujours dit ça. J'abhorre au dernier degré tout type de confrontation. Je suis tout simplement incapable de les gérer. Alors, s'il s'agit d'une question secondaire, je suis plus qu'heureuse de céder parce que, dans mon esprit, ça ne vaut pas la peine qu'on fasse des histoires ".

" A présent, je savais pourquoi Dominic avait fait ce qu'il avait fait. (...) C'était bien parce que j'étais trop gentille. Il avait par conséquent perdu tout respect pour moi (...). Lorsque nous nous étions rencontrés, j'étais quelqu'un d'indépendant et d'assuré. Et qu'étais-je devenue ? Une lavette avide de plaire. Une nunuche. Une bonne poire. Et Dominic avait perdu tout respect pour moi. Je ne le lui reprochais plus, désormais. Je comprenais que c'était moi la fautive ". 


mercredi 9 novembre 2011

Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer et Annie Barrows

(Éditions Nil, 2009, 390 p. et Éditions 10/18, Coll. Domaine étranger, 2011, 410 p.)

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(titre original : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society)

Janvier 1946. Tandis que Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale, Juliet Ashton, jeune écrivain, compte ses admirateurs par milliers. Parmi eux, un certain Dawsey, habitant de l'île de Guernesey, qui évoque au hasard de son courrier l'existence d'un club de lecture au nom étrange : "Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" … Passionnée par le destin de cette île coupée du monde, Juliet entame une correspondance intime avec les membres de cette communauté. Et découvre les moyens fantaisistes grâce auxquels ces amis bibliophiles ont résisté à l'invasion et à la tragédie. Jusqu'au jour où, à son tour, elle se rend à Guernesey. Pour Juliet, la page d'un nouveau roman vient de s'ouvrir, peut-être aussi celle d'une nouvelle vie…

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Après plusieurs semaines d'absence, c'est avec un grand plaisir et un réel coup de cœur que je reviens aujourd'hui (enfin !) alimenter les pages de ce blog. Il y avait déjà quelque temps que Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates était dans ma pile à lire, mais comme toujours, c'était plus par manque de temps que par volonté délibérée. En effet, j'en avais reçu d'excellents échos depuis sa parution en France en 2009. Je m'apprête donc aujourd'hui à conforter ces échos et à tenter de vous persuader (si ce n'est déjà fait) de lire "le Cercle" de toute urgence ! Cependant, je fais le choix de ne rien révéler des éléments clés de l'intrigue !

Un roman épistolaire ...

Pour commencer, je voudrais saluer le choix du genre épistolaire (récit composé de la correspondance, fictive ou non, entre un ou plusieurs personnages), peu usité dans la littérature contemporaine, du moins pas dans l'intégralité d'un ouvrage. Certes, je conçois que cette présentation puisse en dérouter quelques-uns, car elle implique une lecture attentive et régulière, surtout quand, comme c'est le cas en l'occurrence, la galerie de correspondants (et donc de personnages) est assez fournie. Cependant, il me semble que même le lecteur le plus sceptique saura, après quelques pages de mise en route, se laisser convaincre par l'originalité et le charme de ce genre littéraire. D'ailleurs, certains chefs d’œuvre intemporels sont construits suivant cette forme ; je pense notamment aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.
Ici donc, c'est en même temps que l'héroïne que l'on se plonge avec délectation dans la lecture de ces lettres toutes plus captivantes les unes que les autres. Et captivantes, ces lettres le sont d'autant plus qu'elles sont écrites simplement. Le ton est "vrai", authentique (comme les personnages d'ailleurs, mais je vous en reparlerai plus loin), sans prétention, sans fioriture. Au final, le livre se lit très facilement, les récits relatés au fil des lettres le sont dans un style très fluide, spontané. C'est ce qui m'amène à vous parler des personnages.

Des personnages atypiques ...

Commençons par l'héroïne, Juliet Ashton. Juliet écrivait une chronique hebdomadaire pour le Spectator durant la guerre ; par la suite, les Éditions Stephen & Stark ont réuni tous ses articles dans un ouvrage qu'ils ont publié sous le titre d'Izzy Bickerstaff s'en va-t-en guerre (Izzy Bickerstaff étant le nom de plume que lui avait choisi le Spectator). Au début du livre, Juliet aspire à se débarrasser d'Izzy pour se consacrer à l'écriture d'un roman plus personnel, dont elle ignore encore le thème : " je souhaiterais écrire un livre mais j'ai du mal à trouver un sujet avec lequel je puisse cohabiter joyeusement pendant plusieurs années", écrit-elle. 

La première lettre qu'elle reçoit d'un certain Dawsey Adams, habitant de Guernesey, marque ainsi le point de départ de son intérêt pour l'île, ses habitants et leur vécu pendant l'Occupation. Mais si Juliet est en quête d'un sujet pour écrire son prochain roman, elle est aussi, et avant tout, en quête d'identité, en quête d'elle-même. Dans le contexte de l'après-guerre, en proie aux doutes et cherchant à apprivoiser ses émotions, la jeune femme emporte avec elle le lecteur dans une aventure tout aussi prenante que bouleversante, dont elle ressortira profondément changée à tout jamais ...

Je viens de réaliser que vous êtes peut-être en train de vous demander à quel moment je vais aborder (et expliciter, pour ceux qui n'ont pas lu le livre) l'existence de ce fameux "Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey" (pour le citer en entier !). Vous ne serez pas surpris de constater que je n'évoque rien d'autre que le délice que constitue l'histoire de la naissance du Cercle ... Les habitants de Guernesey se feront un plaisir de vous la raconter, chacun y allant de son petit détail croustillant (toujours !) : Dawsey Adams, le premier à entrer en contact avec Juliet, Eben Ramsey, Isola Pribby, confectionneuse d'élixirs "pour restaurer l'ardeur masculine", mais aussi Amelia Maugery ou Clovis Fossey (pour ne citer qu'eux).

Un bel hommage à l'amour de la lecture ... 

"Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" est un véritable hymne à l'amour des lettres. Les références sont nombreuses et diverses, passant d'Emily Brontë à Catulle. Pour tous ces personnages affaiblis et humiliés par l'Occupation allemande, la lecture est un refuge, un repère dont on ne peut les priver. Après la Guerre, la lecture panse les plaies, autant qu'elles peuvent l'être ...

"Je trouve ces personnes et leur expérience de l'occupation fascinantes et émouvantes" (Juliet) ...

Débordants de spontanéité et d'authenticité, parfois emplis d'une touchante naïveté, ces hommes et ces femmes vont livrer une partie d'eux-mêmes et de leur histoire à Juliet. Parfois fantasques, souvent drôles, toujours attachants, les personnages nous apportent au fil de leurs courriers une véritable leçon de vie, de courage et de solidarité face à l'adversité. Entre humour, révélations, drames et émotions, Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est un formidable roman qui ne pourra vous laisser indifférent.

Envie .. d'un extrait :


"Je me demande comment cet ouvrage est arrivé à Guernesey.Peut-être les livres possèdent-ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu'à leur lecteur idéal. Comme il serait délicieux que ce soit le cas."

" C'est ce que j'aime dans la lecture. Un détail minuscule attire votre attention et vous mène à un autre livre, dans lequel vous trouverez un petit passage qui vous pousse vers un troisième livre. Cela fonctionne de manière géométrique, à l'infini, et c'est du plaisir pur."

"Je travaille l'oreille tendue vers la porte et, sitôt que j'entends le courrier tomber dans le boîte, je dévale l'escalier à toute vitesse et j'entame un autre chapitre de l'histoire, tout essouflée. Je crois que c'est ce que devaient ressentir les lecteurs rassemblés devant la porte de l'éditeur de Dickens, pour s'emparer du dernier feuilleton de David Copperfield dès sa sortie des presses."

lundi 29 août 2011

Lexi Smart a la mémoire qui flanche - Sophie Kinsella

(Éditions Belfond, 2009, 396 p. et Pocket, 2011, 413 p.)






  
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Ce qu'on appelle un trou noir. Le black-out. Trois ans d'existence purement et simplement passés à la trappe. Entre-temps, Lexi la loseuse, dents de travers et poches percées, flanquée d'un boyfriend passablement minable, a fait place à Lexi-les-dents-longues, wonder woman bien mariée, mal entourée, sapée luxe et manucurée... Où, quand, comment ? Mystère et boule de gomme. Une chose est sûre : sa nouvelle vie ne lui ressemble plus. Remue-méninges en perspective...

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Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais pour moi, ce 29 août rime avec retour de vacances la tête encore pleine de souvenirs chauffés par le soleil : la mer, le sable chaud, les restos ... mais pas que ! Entre deux séances de bronzette en mode lézard, je trouvai (enfin !) l'occasion de lire "Lexi Smart a la mémoire qui flanche" de Sophie Kinsella. Déjà totalement convaincue par la série de l'accro du shopping, mais aussi par les tribulations des autres héroïnes nées de l'imagination de Sophie (Samantha, Emma, ...), j'attendais les vacances avec impatience pour me lancer dans la lecture des aventures de Lexi Smart. Et je ne fus pas déçue (bon, en même temps, je ne m'attendais guère à l'être, Sophie Kinsella est devenue une valeur sûre !).

Un seul mot : génialissime ! Mystère et humour se conjuguent pour faire de ce roman un concentré d'énergie positive. Une excellente comédie toute entière dévouée à la détente et à l'évasion. Décompression assurée !

Du mystère : du jour au lendemain, Lexi Smart se réveille dans un lit d'hôpital sans le moindre souvenir des trois dernières années qui viennent de s'écouler. Entre-temps, la Lexi banale, cheveux crépus, dents de travers (on la surnomme "Ratichiotte" !), job moyen et petit copain minable, a fait place à une Lexi impeccable, haute-couture, carriériste et déterminée, mariée à un professionnel de l'immobilier de luxe aussi riche et séduisant qu'attentionné et envoûtant. Une vie de rêve, une vie parfaite, une vie excitante ... mais une vie dont tous les éléments lui sont étrangers ! Elle ne connaît rien de cette vie qui est censée être la sienne : son mari n'est qu'un illustre inconnu, ses amies ne sont plus les mêmes, ses responsabilités professionnelles lui échappent !

Dès lors, les questions fusent et s'enchaînent : comment a-t-elle pu gravir si vite les échelons, professionnellement et socialement ? Pourquoi ses amies l'évitent-elles ? Par quel étrange coup du sort Amy, son adorable petite soeur, a-t-elle pu devenir cette adolescente aux cheveux bleus, arrogante, voleuse et paresseuse ? Et qui est cet énigmatique architecte qui prétend être "l'autre homme" de sa vie ?
En quête de réponses, Lexi va devoir se protéger contre ceux qui chercheraient à exploiter son amnésie, et la faiblesse qui en découle, pour lui faire avaler tout et n'importe quoi ...
Dans la mesure où le lecteur évolue au même rythme que Lexi, cette dernière n'en est que plus attachante. Nous reconstituons avec elle le puzzle de sa vie ! Impossible de poser le livre plus de quelques minutes !

De l'humour : une fois encore, Sophie Kinsella ne dément ni son talent ni son savoir-faire. Virtuose de l'humour accomplie, elle manie admirablement les ficelles de la comédie. Parfois malgré elle, parce qu'elle est en perte de repères, Lexi est franchement drôle ; mention spéciale également au ton utilisé pour évoquer le luxe, son faste et la démesure qui va (bien souvent) avec : l'équipement de la maison, à la pointe de la technologie, est tourné en dérision pour notre plus grand plaisir ! Également au service de l'humour et du divertissement, la mère de Lexi et sa ribambelle de chiens, la superficialité de la course aux "privilèges du luxe" ...

Cependant, au-delà de son aspect purement divertissant, cette comédie me semble également proposer une réflexion
intéressante sur ce que nous attendons, espérons, de la vie. Et au fond, qu'est-ce qu'une "vie de rêve" ? Peut-on vraiment tout avoir ? Quelle place pour l'apparat, pour les façades ? Et quelle place pour la connaissance de l'autre ? Ce roman me paraît faire également réfléchir aux valeurs qui sont les nôtres, celles que nous chérissons le plus, celles que nous privilégions, et donc celles que nous souhaitons transmettre.

En bref : un excellent divertissement, une comédie pétillante et originale, à lire d'urgence si ce n'est déjà fait !

Envie ... d'un extrait : 
 
" Malgré ma tête qui tourne, je vais dans la salle de bains m'asperger le visage. Puis je me penche au-dessus du lavabo et contemple mon reflet qui m'est encore étranger. J'ai l'impression de me désintégrer. S'amuse-t-on à me jouer une énorme farce ? Ai-je des hallucinations ? J'ai vingt-huit ans, des dents parfaites, un sac Vuitton, le titre de directrice et un mari. Bon sang ! Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? "