mardi 3 avril 2012

Jusqu'à ce que la mort nous sépare - Lisa Gardner

(L'Archipel, 1998, 304 p. et Archipoche, 2012, 370 p.)

Envie de ... résumer : 

(titre original : The perfect husband)

Tess croyait avoir trouvé le mari idéal en la personne de Jim Beckett, un policier jouissant d'une excellente réputation dans la petite ville de Williamstown, Massachusetts.
Mais, après plusieurs années de mariage, Tess découvre le monstre qu'est en fait son époux. A-t-elle d'autre choix que de le dénoncer ?
En attendant son jugement, Jim est placé dans un quartier de haute sécurité, dont il parvient à s'évader...  Il n'a dès lors qu'une idée, fixe : retrouver celle qui l'a trahi. Et lui rappeler qu'ils sont unis pour la vie, que seule la mort pourra jamais les séparer ...

Envie de ... donner mon avis :

Dans un article publié en septembre 2009 à l'occasion de la sortie en France de "Sauver sa peau", le site lepoint.fr qualifiait Lisa Gardner de "nouvelle Mary Higgins Clark". Pour ma part, bien que le rapprochement soit flatteur (je suis moi-même une inconditionnelle de Mary Higgins Clark !), je préfère appréhender un auteur dans sa singularité, dans ce qu'il a de propre et d'original, sans dresser de parallèle avec un autre écrivain à succès dans le même genre littéraire. Car en effet, avec "Jusqu'à ce que la mort nous sépare", son premier roman paru en France en 1998, Lisa Gardner a créé son propre style, et est dès lors venue s'inscrire durablement au rang des virtuoses du suspense !

Vous faire partager un polar me confronte toujours à l'épineux problème d'en dire suffisamment pour vous allécher, sans vous révéler les moments-clés de l'intrigue !
Comme à mon habitude, c'est le résumé de la quatrième de couverture que j'ai reproduit en tête de cet article. Cependant, il me semble ici opportun de rajouter quelques éléments (qui ne dénatureront en rien votre propre découverte du livre).
Après un bref prologue, l'histoire débute en Arizona, chez l'ex-mercenaire Jordan Terrance Dillon (alias "J.T"), retranché dans une riche villa avec piscine, perdu dans un quotidien morose où cynisme et débauche n'ont d'égal que les quantités de bière et de tequila avec lesquelles il éponge son désarroi. Cet exil va être troublé par l'arrivée de Tess Williams, qui vient trouver J.T. sur les conseils d'un ami commun, afin qu'il la forme et l'entraîne, dans le but d'affronter son ex-mari récemment évadé de prison après avoir assassiné sauvagement deux gardiens. Parce qu'elle a joué un rôle essentiel dans l'arrestation de son mari, violeur et tueur en série, Tess sait qu'il la poursuit et qu'elle est sa proie ultime. Après avoir confié sa fille Samantha au lieutenant de police Lance Difford, et parcouru des milliers de kilomètres, la jeune femme, affaiblie et rachitique, va tenter de convaincre J.T. qu'il est le seul à même de lui apporter l'aide dont elle a besoin.

J'aimerais vous parler de ce roman à travers deux thèmes principaux :

Des héros écorchés vifs ...

Hantée par la monstruosité de son mari et rongée par la culpabilité, Tess semble bien avoir trouvé son double masculin en la personne de J.T. En effet, l'ancien marine et ex mercenaire semble lui aussi traîner un lourd passé. Cependant, semblables aux pièces d'un puzzle, les éléments de ce passé ne nous seront que progressivement révélés. Ils feront également intervenir Marion, membre du FBI et sœur de J.T, dont la froideur et le professionnalisme n'ont d'égal que la haine qu'elle semble vouer à son frère. Pourquoi un tel ressentiment, une telle méfiance envers J.T ? Et pourquoi ce dernier refuse-t-il de se rendre au chevet de son père mourant ? J.T et Marion sont-ils réellement si différents qu'ils veulent bien s'en persuader ?

Étouffant et oppressant, le passé de Tess était déjà un poids bien avant sa rencontre avec Jim Beckett, son futur mari. Battue par son père, terrorisée par son mari et soumise à lui, Tess fait partie de ces personnages maudits, malmenés par la vie, sans cesse rattrapés par le sang, la souffrance et le tourment. Tess est convaincue de l'impuissance de la police à la protéger d'un meurtrier qui saura toujours tout anticiper. A fleur de peau, fermement décidée à affronter seule son mari, cette jeune femme fragile et désemparée va se surpasser, mue par l'amour qu'elle porte à sa fille et par son désir de la préserver. Le personnage de Tess est infiniment touchant, tout autant par sa détermination que par sa fragilité et sa vulnérabilité.

Étonnamment, je ferai le même constat au sujet de J.T : d'apparence froide et "brute de décoffrage", arrogant et souvent méprisant, son personnage renferme cependant de profondes blessures et une indéniable vulnérabilité, que ses sarcasmes et son ironie ne servent qu'à masquer... 

La traque sans relâche d'un impitoyable psychopathe ...

En la personne de Jim Beckett, la police est confrontée à un monstrueux tueur en série, dont la sauvagerie et la cruauté n'ont (malheureusement) d'égales que l'intelligence et l'ingéniosité. Lisa Gardner dresse un portrait extrêmement détaillé et travaillé du meurtrier. Pour les professionnels qui l'ont traqué inlassablement en vue de son arrestation, et qui le traquent aujourd'hui à nouveau depuis son évasion, Jim Beckett est tout autant un modèle de sadisme et de barbarie, que d'adresse et d'habilité. Parce qu'il a "fait partie de la maison", Beckett connaît les modes opératoires de la police, et peut dès lors facilement anticiper. Après son évasion, il se joue de la police, multiplie les ruses et les déguisements, et n'a plus qu'une seule idée en tête : assassiner Tess, à qui il n'a jamais pardonné de l'avoir dénoncé...

Impassible, froid, au physique presque inhumain, cet assassin qui a fait de la "discipline" son maître-mot transformera à tout jamais la vie et les convictions des enquêteurs, policiers ou agents fédéraux, qui donneront tout de leur personne dans cette redoutable chasse à l'homme ...

A chaque instant, le suspense est habilement manié, les réponses subtilement apportées et les rebondissements justement exploités. Rejoignant une critique qui faisait état d'un thriller digne du "Silence des agneaux" de Thomas Harris, je ne peux que vous inciter à lire ce livre, qui a le mérite d'approfondir vraiment le profil des personnages, et pas seulement celui du meurtrier. En bref, un très bon polar, qui sait s'emparer de notre attention pour ne la relâcher qu'une fois la dernière page réellement tournée ...

Envie ... d'un extrait :

"Vous n'avez donc pas compris ? C'est un flic. Il connaît leur façon d'opérer. Il pense comme eux. Tant que je resterai avec eux, je risquerai ma peau, parce que les flics observent certaines règles, au contraire de Jim. Il saura toujours anticiper leurs actions et c'est moi qui me retrouverai devant la batte de base-ball. Je ne veux pas revivre cette situation. Je refuse de rester-là comme une souris en attendant que le chat me saute dessus".

"Je répète, c'est un psychopathe. Autrement dit, il sait admirablement compartimenter les choses. D'une part, il connaît les règles et les normes de la société. Il sait s'y conformer, se faire apprécier. Il est affable, extraverti, sûr de lui. D'autre part, il se considère au-dessus de tout le monde. Les sentiments de culpabilité, les remords,le sens du devoir lui sont inconnus. Il ment sans peine, il est obsédé par l'apparence physique. Son appétit sexuel est grand et, malgré son mépris pour les femmes, il ne peut s'en passer".